Crossroads
, 2004 12: AM
- Symphonies du nouveau monde –
Depuis Struggle For Life, son live exceptionnel paru en 2000, After Crying a incontestablement rejoint le peloton de tête des créateurs modernes de la planète progressive. Mais jusqu'ici le collectif hongrois s'était révélé en studio plus impressionnant que touchant, sa maîtrise et son inventivité n'échappant pas toujours à une relative froideur, une certaine austérité. Cette fois, After Crying a pris tout son temps (le précédent album-studio datait de 1998) pour peaufiner ce Show qui se hisse, à quelques mineures réserves près, à la hauteur des attentes suscitées. Entre symphonisme des temps modernes et progressive éternelle, cette musique-là ne s'impose certes pas d'emblée mais sa richesse extrême mérite qu'on s'y attarde et y revienne, tant, au bout, la récompense est belle. Alternant le chaud et froid, vocaux masculins et féminins, riffs crimsoniens et envolées quasi-classiques, cuivres pétaradants et mystérieux violoncelle, pur symphonisme et fièvre jazz, glissant ici un phrasé rap, là des ponctuations électroniques, After Crying s'amuse comme jamais tel un élève surdoué (mais les maîtres sont multiples, de Fripp à Emerson en passant par Zappa, Bartok, Dvorak...) qui aurait retenu -et digéré- toutes les leçons pour nourrir sa propre écriture. Une écriture mélodique et virtuose dans le meilleur sens du terme, à la fois pétrie d'influences et unique par sa modernité. Face à tant d'éclectisme et de complexité, on pourrait se perdre, s'ennuyer, trouver que le bel édifice manque de cohérence: mais c'est tout le contraire qui arrive. Seuls petits regrets: le louable propos anti-globalisation qui sert de concept à l'ensemble vient parfois inutilement alourdir la fluidité musicale (on pense tout particulièrement à ce flash-radio vite inécoutable) tout comme la double-citation de l'archi-connu "Boléro" de Ravel n'apporte vraiment rien, doux euphémisme, aux quinze minutes de "Secret service", morceau par ailleurs époustouflant. Mais ce ne sont là que des broutilles au regard de la valeur d'un disque superbe et d'un groupe plus que jamais passionnant.
Frédéric Delâge
|