Big Bang
, 2003 12: AM
La Hongrie deviendrait-elle le berceau d’une filière de guitaristes particulièrement inspirés ? On peut le penser, puisque pas moins de deux réalisations instrumentales mettant la six cordes à l’honneur sont chroniqués dans ce numéro: à côté de Janos Varga, qui fait déjà figure de vétéran, voici donc la première œuvre de D Sound. Derrière ce curieux patronyme se cache en fait Zsolt Dezsö Murguly, multi instrumentiste d’une trentaine d’années - jouant des claviers, de la basse, de la guitare surtout, il prend également en charge la grande majorité des lignes de chant - aux influences variées (le disco, l’AOR, le progressif ou le heavy metal), et qui a composé la quasi-totalité du matériel. Il est toute fois entouré pour cette première escapade en solitaire de Adam Földes à la batterie, de Csaba Varga aux claviers, et de Liza Vargabe Papp, qui vocalise sur le début du dernier morceau de l’album «Without Words». C’est en 1992 que Murguly avait fondé D Sound, mais il a fallu attendre 1999 pour qu’il enregistre ses compositions, dont une partie seulement se retrouve sur Kisember.
Le résultat a de quoi réjouir les amateurs de Pink Floyd, d’Ayreon, d’Eloy ou même Ozric Tentacles. Les quatre suites thématiques, dont la durée varie de cinq à vingt-et-une minutes, véhiculent en effet une musique spatiale à souhait, aux arrangements de guitare particulièrement soignés, tantôt à dominante acoustique («Budafok»), tantôt à l’électricité omniprésente («Hold 1», « Otthon», avec une prestation soliste consistante), souvent habilement entremêlés. Les mélodies, sans être d’une complexité confondante, réussissent en tout cas à capter l’auditeur, et à l’envoûter, par leur côté répétitif («Frog’s Final Day», ou l’obsédant «Hold 3»), y compris lorsque le maître de cérémonie chante en hongrois, avec des limites vocales qui possèdent le même charisme que celles d’un Frank Bornemann («Hold 2»). La plus longue suite, «Kisember», est également la plus réussie, de l’entêtant «Hold 1» au très gilmourien «Blues 2000», en passant par «Kisember», qui combine avec succès ambiance planante et refrain lancinant. On peut également mentionner «Otthon», avec son atmosphère sombre, voire opaque, et son final floydien.
Si le fait d’avoir recours, à côté de percussions synthétiques, à une vraie batterie, mérite d’être salué, il est dommage que celle-ci assure une rythmique un peu trop mécanique et sourde. Ce n’est pourtant là qu’une des rares faiblesses de cet opus, certes guère novateur et qui manque quelque peu de variété, risquant de générer de la lassitude sur la longueur, mais qui invite au voyage et mérite d’être rangé pas très loin des premiers disques d’Ayreon, ce qui est assurément un bon début!
Jean-Guillaume Lanuque
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